dimanche 29 janvier 2017

Le système c'est les Autres

Abstract Y'a un sujet qui me trouble récemment : qui est le système ? Ça m'est arrivé de deux côtés. D'abord avec l'élection présidentielle française. Alors chez les Le Pen, on est anti-système de père en fille, Alain Soumis, aussi est anti-système. Le mari de Penelope Fillon aussi, et Manu Macrōn aussi. Faudrait que je ressorte les citations mais ils l'ont dit à un moment. Pour Hamon, je sais pas. Je comprends que tous essayent de se positionner en anti-système parce que ça a plus ou moins marché pour The Donald (plus moins que plus puisqu'il a obtenu un nombre de voix inférieur à celui de Clinton et qu'il a gagné grace au système de grands électeurs qui n'existe pas en France, donc ça ne se réplique pas pareil en France). L'anti-système ça roxxe. Mais du coup qui est le système ? Qui représente le système ?

L'autre côté, c'est ma tweet list (TL). J'ai lu ce prof d'université, fils de, petit-fils de, qui critiquait « nozélites », ou ce maître de conf' qui se lamentait que les politiciens ne lisaient pas son blog où ils trouveraient pourtant de bonnes idées. Et plus largement ma TL est CSP+++, bac +5 min, souvent bac +8, blanc, bonne famille, bonnes études… et passe son temps à se plaindre du « système ». Déjà « fuck le system » ça me fait penser à un ado nourri à la purée idéologique des Wachowski mais je conçois que le monde qui nous entoure ne soit pas optimal (understatement). Mais le truc qui m'intrigue c'est comment des gens très bien insérés professionnellement, socialement, avec toutes les marques d'appartenance au « système » (études, maitrise de la langue, origine sociale, couleur, réseaux…) critiquent le-dit système sans se demander s'ils en font partie. Comme dans les vrais™ films américains, le méchant c'est toujours l'Autre : le noir, l'Arabe, le Russe, le Chinois. Nous, les réalisateurs-producteurs-scénaristes (et probablement ça inclut le public) on est les gentils. Ça me fait penser aussi à Furtwängler, ou au moins à la pièce Taking Sides où Wilhelm, après la défaite (oui, la défaite, je me mets dans le camp des vaincus cf. Nizan) dit qu'il était contre le système nazi puisqu'à une représentation il a présenté son archet en direction de Führer donc un acte hautement séditieux (enfin là je salope un peu la narration…). Donc j'en suis à : le système c'est les Autres, les enculés, moi non, j'ai rien à voir avec ça. À mon avis, quand ceux que le-dit système oppresse nous foutront sur la gueule (si ça arrive), ils n'iront probablement pas lire vos tweets mécontents, ô combien ironiques et subtils pour juger de votre solidarité. Ça sera un poing dans ta (ma) gueule de gros bourgeois, blanc, éduqué, progressiste et tellement raffiné.

Bon, je ne prétends pas juger du haut d'une position morale supérieure. Je suis pareil. Mais ça m'intrigue quand même de voir que l'appartenance « au système » est à la carte : quand ça m'arrange, pour le boulot, … le système c'est ok. Quand « le système » ne me plait pas, je le dis sur Twitter, ok, c'est bon, je me suis desolidarisé(e), ma conscience est propre, et je retourne travailler pour oh, le même « système ». Et je n'ai bien sûr aucun moyen de changer les choses contre lesquelles je gueule.

Autre truc, je ne pense pas qu'il existe UN système. Je pense qu'il y a un système (ou une caste) politique, un système technico-scientifique, un système artistico-culturel, lui-même sous-divisé entre Vrais Cultureux et Culture-pour-gueux (souviendez-vous du Kulturkampf 2016 sur la présence de la Grande Roue qui défigure tout Paris avec un analphabète qui tient en échec un estimé condisciple des Monuments historiques ! Sacrebleu ! Les Vrais Cultureux ont perçus ça comme encore une trahison du « système » à leur égard, eux qui sont responsable du Beau) et probablement une caste de journaleux (quoique ça doit se rejoindre avec les deux précédentes).

Et dernier axe : je pense que ce que les castes technico-scientifique et Vrais Cultureux sont très pas contentes parce que déjà ce sont des progressistes et qu'il y a beaucoup de choses contre lesquelles gueuler. Et surtout parce qu'avant, quand on était le Docteur machin ou Bidule qui a fait l'École officielle des Trucs artistiques, le bon peuple vous traitait comme un notable, avec moult prestige. Maintenant, la caste politique n'accorde plus la prééminence à ces castes (ou c'est la populace qui ne l'accorde plus, faut voir) qui s'en trouvent toutes fort mécontentes. Pas contre la vile populace, ça serait mal vu pour d'authentiques progressistes de critiquer le prolétaire. Mais contre le « système » (le politique, parce que notre caste, n'est pas un système) qui leur, nous, a volé notre belle aura de notable.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

" le truc qui m'intrigue c'est comment des gens très bien insérés professionnellement, socialement, avec toutes les marques d'appartenance au « système » (études, maitrise de la langue, origine sociale, couleur, réseaux…) critiquent le-dit système sans se demander s'ils en font partie. Comme dans les vrais™ films américains, le méchant c'est toujours l'Autre"

Il faudrait voir exemple après exemple, mais j'ai l'impression quand même que la plupart des gens qui critiquent "le système" savent en faire partie, et se fustigent aussi quand ils écrivent leurs critiques. On le sait bien qu'on a une empreinte écologique non soutenable, et ça ne nous empêche pas de faire bouffer des resources naturelles pour poster un commentaire que personne ne lira.

Les salauds, c'est en effet le Système, mais le système ce n'est pas l'Autre, c'est vous et moi (enfin vous je ne vous connais pas assez pour être sûr que vous êtes un sale type -c'est quand même probable si vous utilisez en connaissance de cause des ressources naturelles pour étaler vos états d'âme- moi c'est certain).